Carnets et billes qui roulent
À l'évidence, Cristian DeLeon ne sait pas choisir ses sujets, où alors, il fait preuve de parti pris. C'est au point où l'on doit se demander s'il ne cherche pas l'extraordinaire rien que pour lui tourner le dos. Il dira pour justifier ces manières qu'il dessine pour des gens qui ont l'oreille fine, pour les gens qui savent entendre le murmure des choses - nul besoin d'effets tonitruants avec de tels amateurs. Dessiner pour l'oreille ? Ça serait bien le genre de paradoxe qu'il affectionne. Avec lui, quelques blocs rocheux, un peu d'eau - ruisseau ou étang -, des arbres ou des branches, une étendue de prairie, deux brindilles affirment tout bas une présence qui se suffit à elle-même.
Rien de nouveau sous le soleil, rien de neuf sous le ciel, rien que le même spectacle qui s'offre au même spectateur.
Au mieux, que peut-on obtenir de ses stylos à bille ? Une liste d'épicerie, des gribouillis sur un ordre du jour ou des taches au bout des doigts. Cristian, lui, laisse tomber au hasard (semble-t-il) des petits traits sur une page de son carnet. Apparaît un paysage, un animal ou même, de plus en plus souvent, un être humain. Y aurait-il du nouveau dans le monde de Cristian ?
Cristian DeLeon fait rouler ses billes dans des carnets spiralés. Tant de mouvement avant d'accoucher d'un dessin qui nous oblige - autre paradoxe - à nous immobiliser pour lui accorder un instant d'attention.
Être amené à la contemplation, c'est déjà tout un résultat.
Henri Lessard
Juin 2017